Voici le texte déposé aux Archives Municipales de la Turbie écrit par Philippe Casimir - Maire de La Turbie de 1912 à 1925- en conclusion de son étude sur le Trophée d'Auguste

LE TROPHEE D'AUGUSTE, MONUMENT DE LA PAIX

" Nous préparons les chapitres d'un second volume. Par cette première partie, on voit que le Trophée d'Auguste à La Turbie, peut être intitulé : Monument de l'Europe et de la Poix.
Dans les desseins de l'Empereur Auguste, il a marqué la phase principale de sa grande carrière, celle qui lui inspirait le plus de fierté, et qui fut la plus féconde en bienfaits pour le monde. Cette phase s'est ouverte par l'arrangement diplomatique avec les Parthes, (l'an 20 av. J-C), signifiant que l'Empereur voulait faire abandonner aux Romains les entreprises asiatiques et tourner leur activité vers l'Europe.

En Europe, il avait à compléter l'œuvre de son oncle, Jules-César, ce qu'il ne pouvait faire qu'en abaissant les barrières qui séparaient l'Italie de la Gaule et de la Germanie. De ce dessein découla l'entreprise de soumettre les Alpes. Ces campagnes, que nous avons racontées, eurent pour résultat de faire de l'Empire Romain un bloc immense de nations, constituant un ensemble plus homogène et équilibré. Comme nous l'avons dit, l'Empire eut dès lors une suite de frontières naturelles, mers, monts, fleuves puissants, grands déserts. Lui-même, Auguste, dans son testament, dont nous avons reproduit les parties essentielles, dit : "Toutes les provinces du Peuple romain qui touchaient à des nations non encore soumises à notre Empire, ont vu reculer par moi leurs limites. Les Alpes, depuis le territoire voisin de l'Adriatique jusqu'à la mer Tyrrhénienne, ont été ajoutées par moi à l'empire, sans que j'aie jamais fait la guerre injustement à aucun peuple. La porte du temple de Janus, qui, comme l'ont voulu nos pères, ne se ferme que lorsque la paix règne sur toutes les terres et sur toutes les mers soumises aux Romains, n'avait jamais été, pendant tant de siècles qui se sont écoulés depuis la fondation de Rome, fermée que deux fois; sous mon princi-pat, trois fois le Sénat a proclamé qu'il y avait lieu de la fermer". Le plus grand lyrique du temps, Horace, célèbre la paix, et dans une ode où il supplie Auguste de rentrer à Rome, après une longue absence, il dit : "Chacun aujourd'hui est sûr d'achever le jour sur sa colline et dans son champ. Le cultivateur, après avoir marié la vigne à l'ormeau, s'en revient joyeux fêter son vin au repas du soir, et il ne le finit pas sans t'inviter comme un dieu à sa table; il élève vers toi ses prières; il t'offre en libation le vin répandu de sa coupe; il associe ta divinité à celle de ses Lares : ainsi fit jadis pour Castor et le grand Hercule, la Grèce reconnaissante".

En effet, l'ère des conquêtes fut close. Par les actions que le Trophée de La Turbie fut destiné à commémorer, le vaste corps de l'Orbis Romanus, bénéficia d'une longue tranquillité. Les légions furent cantonnées aux frontières, dans des camps si tranquilles qu'ils devinrent permanents, (castra stativa), et plusieurs grandes villes actuelles conservent leur emplacement. La bienfaisante paix s'étendit sur l'humanité, et la période qui suivit le règne d'Auguste, jusqu'aux règnes des empereurs de la famille des Antonins, fut la plus tranquille et la plus heureuse pour le monde.

Il est curieux de rappeler à ce propos, que sous le Premier Empire, fut émise l'idée de consacrer le Trophée de La Turbie à Napoléon 1er : c'était en 1806, après Austerlitz, le Sénat français avait décidé de glorifier l'Empereur par un monument digne de lui. Le Maire de Nice, qui était alors Louis Romey, une personnalité importante, écrivit une brochure pour proposer de dresser sur les restes du Trophée d'Auguste une statue gigantesque de Napoléon, face à la mer et à sa Corse natale, rappelant qu'il avait commencé sa glorieuse campagne d'Italie, en 1796, après son départ de Nice, en venant méditer aux pieds du monument impérial romain.

Il serait plus juste, plus logique, plus conforme à la vérité historique de consacrer le Trophée d'Auguste à la glorification de la paix."